❝ si je devais t'embrasser pour ensuite aller en enfer,

je le ferais.

comme ça je pourrais me vanter ensuite avec les diables

d'avoir vu le paradis sans jamais y entrer. ❞

Aujourd'hui, j'ai oublié ton odeur.

Hier encore, elle semblait pourtant en connaitre toutes les saveurs, toutes les subtilités. Un mélange de clope froide et de parfum malade sur cette peau sénile et abîmée ; elle aura fini par s'encrer dans la maison, dans les draps et sur le parquet. Pourtant (pourtant), aujourd'hui, tout semble s'être éteint, comme si la vie avait décidé d'effacer des souvenirs malsains. D'effacer l'odeur de ce père envolé comme s'il n'avait jamais existé. Mais a-t-il un jour été là ? Présent, près d'elle.  Surement qu'elle ne s'en rendait pas compte avant qu'il ne soit réellement plus là ; car Iseul n'a jamais plus vécu que par elle-même, une gamine qu'on aura fini par oublier, quelque part, peut-être parce que les aînés prenaient trop de lumière, portaient déjà tout les péchés. Mais dans les onyx d'une enfant innocente, il n'y a jamais eu plus que papa. Papa et ce pouvoir qu'il détenait sur cette gamine qui ne voulait que son amour et sa fierté. La fierté. Iseul, simplement, voulait, rien de plus que dans son regard, enfin exister.

Aujourd'hui, j'ai oublié ton visage.

Remplacé par celui d'un autre ; Oh Seong qui s'inscrit dans des souvenirs qui ne lui appartiennent pas. Et la mémoire faillit, flanche quand elle essaye de faire remonter les vestiges d'une enfance oubliée. Où était-il ? Il n'y avait que Oh Seong, et maman parfois, mais Issei, aussi, tout le temps, jamais loin de toi. Mais tout semblait vide, car Iseul avait besoin de lui. De ce père qui semblait oublier qu'elle existe aussi. Aujourd'hui, il n'y a que Oh Seong ; et Iseul, une fois encore, ne se sent en vie que dans ses iris à lui. Parce qu'elle n'existe pas ailleurs, jamais totalement présente si elle n'a pas un regard approbateur. Mais Iseul, elle hait autant qu'elle aime, parce qu'il ne lui donnera jamais l'amour qu'elle réclame tout bas. Il n'y aura jamais assez pour elle. Et tout s'embrume, tout se mélange depuis des mois déjà. Parce qu'Iseul, elle n'est personne. Elle n'est plus roi.

Et aujourd'hui encore, j'ai oublié ton regard.

Elle a oublié qu'elle existe aussi, qu'il existe quelque chose au delà de la pluie. L'esprit s'égare. Qui est-elle ? Il n'y a personne, ou seulement celle qu'on attend qu'elle soit ; pas grand chose, jamais ce qu'il faut. Jamais ce qu'elle doit. Et puis quand le souffle s'est éteint, comme une merveille qui aurait dépeint, elle aussi aura fini par dépérir. Les derniers remparts détruits dans la nuit, désormais, plus rien ne retient la folie ; et chaque Homme, chaque regard résonne autant comme amant autant qu'ennemi.

Papa est mort, et quelque part Iseul l'était aussi.

Une rose qui glisse dans les cheveux, jamais au delà de ses mèches désireuses, jamais sur la peau, jamais honteuse sur une chaire délicate. Jamais prisonnière d'un organisme factieux, Iseul n'a que ses yeux pour voir, mais jamais de lèvres pour déclamer tout leurs péchés ivoires.

8 ans. L'enfant grandit, le père est absent. Mais il y a cet éclat dans ses onyx délicats ; l'envie d'exister elle aussi, de rendre fier, d'être comme lui.

Trouble de l'identité de soi. Incapacité de savoir qui elle est, ni même pourquoi. Cruelle ou sensuelle, légère ou autoritaire. Une personnalité pour chaque personne qu'elle côtoie. Mille vies, mais un seul esprit ; brisé, anéanti.

13 ans. L'éducation et cette intelligence qui éclate ;  le besoin de prouver qu'il y a quelque chose à voir en elle aussi. Et la musique, et l'art, et tout le reste pour attirer chacun de leur regard.

Romance idyllique d'une vie qui ne lui appartient pas ; le besoin de se détacher surement, pour ne pas exploser. Que la rose perde de ses pétales pour mieux revivre, pour ne pas périr.

18 ans. La beauté de prunelles inconnues ; et des sourires à ces garçons, à ces filles, à ces élus. L’existence au delà des regards, mais encrés dans la peau ; la découverte de l'espoir, d'un renouveau.

Les corps qui s'unissent, jamais le sien, la main solitaire d'un amour qu'on ne lui offrira pas. Liberté, surement, Pourquoi pas. Mais peut-être qu'elle aurait préféré qu'on lui dicte qui aimer, car Iseul ne sait pas comment faire, n'a jamais agit seule, sans des ordres dorés.

22 ans. La mort. Le noir. La peur. Le désespoir.
L'envie d'ailleurs. L'envie de toi.
L'envie de nous. L'envie de tout.
Mais jamais près du coeur, car tout fait trop mal. Tout est trop pâle. Plus rien n'a de saveur. La mort du bonheur.

Et le sang qui ne fait plus sens, des rumeurs comme des cauchemars, mais rien n'est vraiment grave, rien ne saura le prouver. Rien ne saura dire que son père n'est qu'un homme qui ne l'aura jamais été.